Andrée Crahay
Vieillards cacochymes et vieux catarrheux,
Avec tous les autres andropausés sur votre propre image
Propre ? Façon de parler
Prêts à toutes les complaisances,
A votre égard, bien entendu,
Comme trop mûre,
La pomme
De l'arbre
A chu,
Mon juste courroux
Me fait hurler
Ce que je pense de vous.
Oui, les ailes aux enfants,
Il faut les enlever,
Il faut bien les enlever
Les ailes aux enfants
Puissent-ils nous pardonner.
Boris Vian l'a écrit dans l'Arrache-Coeur
Avec un réel bonheur :
Ils ont des ailes, nos petits.
Pour devenir adultes
Il faut leur tirer, une à une,
Toutes leurs plumes,
Avec délicatesse, avec tendresse,
Quelquefois fermeté;
Mais sans que cela blesse,
Au lieu que caïmans édentés,
C'est leur chair que vous transgressez.
Sans une once de honte,
Vous vous prenez pour le nombril du monde
Et votre ombilic
Qui donne la colique
Du matin jusques au soir,
Vous sert constamment de miroir.
Fi donc, vieux beaux, vieux sots, vieux débris débiles
Qui crachotez sans fin votre bile,
En des discours filandreux et séniles.
Vous offrez la désespérance
A tous ceux qui ont encore de l'enfance.
Dans votre suffisance confits,
Comme des bonbons moisis,
Vous laissez déborder votre logorrhée
Jusqu'à la nausée :
"Suivez notre exemple,
Mon petit,
Voyez comme vite on se ressemble.
Notre imagination, ah oui, notre imagination
Est un chien de salon
Muselé, tatoué, stérilisé.
Notre idéal ?
Il est tout à fait bancal.
Le sens des réalités donne mal
Aux pieds.
Et la perte des illusions
Fait qu'on entendra toujours le canon.
Soyez réaliste,
Mon petit,
Seuls les artistes
Peuvent perdre la raison.
Nous, regardez :
Nous durons, nous durons :
Vieux, goîtreux, bigleux, goutteux
Cacochymes et catarrheux."
Pour devenir adulte,
Il faut arracher aux enfants,
Une à une
Toutes leurs plumes.
C'est triste d'enlever des ailes;
Moi, cela me fait toujours de la peine.
Andrée Crahay, libertaire,
13 octobre 1999 (Vivre 99/4)
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