Les chroniques | 1999 |
L’arbre de Vie, un tronc unique aux multiples ramifications |
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Le " blason " unitarien de Monod associe les symboles
du christianisme et de la non-violence à ceux du judaïsme,
de l'islam, du taoïsme et de l'indouhisme. On notera que chacune
de ces branches appartient à un arbre unique dont les racines plongent
dans une source commune à l'ensemble de ces grandes traditions. On lit dans le cadre : Théodore Monod,
Sortie de secours, Seghers, Paris, 1991 “Maman, crois-tu que je mourrai de maladie ou de vieillesse
? Moi je crois que je mourrai de vieillesse”. Théodore Monod
avait cinq ans quand sa mère nota ce mot d’enfant. Prémonitoire!
Le voici, à 97 ans bien comptés, un de ceux qui réconcilient
chacun avec le spectre de la vieillesse. “Le jour baisse aux fenêtres”
dit-il laconiquement pour évoquer sa cécité par une
citation de l’Ecclésiaste. Ne plus pouvoir lire, ni écrire…
Mais l’esprit, lui, reste vif, alerte. Théodore Monod affirme volontiers qu’il fut
toute sa vie un privilégié : “Passer sa vie à
faire ce dont on a envie et, miracle, se voir rétribué pour
cela. Cette chance inouïe n’est pas commune. Pourquoi m’a-t-elle
été donnée ?”. Le voyage a animé avec ferveur
toute son existence. Maintenant il a mis pied à terre, il
est descendu de son chameau, il repasse en mémoire l’exploration
des déserts. Le désert, quelle inaltérable passion
pour celui qui se dit modestement “épris de sciences naturelles”.
Théodore Monod est à vrai dire un des plus grands naturalistes
du siècle, une vivante encyclopédie, un peu anachronique
maintenant que le savoir est compartimenté, hyper spécialisé,
sans véritable relais avec des sciences connexes. La curiosité de Théodore Monod s’est,
elle, étendue à un très large spectre de disciplines
: géologie, zoologie, botanique, géographie, archéologie,
histoire - pour faire bref - mais il est encore (pêle-mêle)
membre de l’Académie des Sciences, professeur honoraire au
Museum National d’Histoire Naturelle, protestant réformé
unitarien (il a présidé durant des années l’association
unitarienne de France), humaniste, philosophe, pacifiste, écrivain,
homme à la foi actif et contemplatif, ardent défenseur des
Droits de l’Homme, de la nature, de l’animal, du vivant… Son inlassable émerveillement devant la vie l’induit
à la méditation, au “ruminement” de la bible
à laquelle il se réfère comme on respire. Sans complaisance
pour les travers de notre prétendue civilisation, il répète
volontiers: “on n’a pas encore essayé le Sermon sur
la Montagne. Si on le prenait au sérieux, ce serait un bouleversement
incroyable dans la vie de la planète”. Convaincu de la validité du pluralisme spirituel,
il compare la quête de Dieu et celle de la vérité
à une “montagne unique, la même pour tous, que nous
gravissons les uns et les autres par des sentiers différents. Les
uns montent par ici, les autres par là, mais nous avons tous les
uns et les autres l’ambition ou l’espoir de nous retrouver
au sommet, dans la lumière au-dessus des nuages”. Il nous plaît de rendre hommage
à ce grand esprit dont la pertinente sagesse ne cesse de nous étonner,
de nous émouvoir, de nous interpeller. Béatrice Spranghers, Vivre 99/4
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