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 Bible et libertés


  Jacques Chopineau

 

Un nombre fort ancien
Dans la Bible…
En guise de conclusion

 

   


Le « nombre d'or » dans la Bible

 

 

• Un « nombre » fort ancien

Les expressions « nombre d’or » ou « proportion dorée », ou encore « divine proportion » sont des désignations relativement récentes. La réalité cependant a probablement été connue dès la haute antiquité. La proportion ainsi désignée a été sentie comme harmonieuse.
Son expression mathématique * (familière aujourd’hui) est

F =   1 ± √5
     2

Mais la résolution de l’équation du second degré n’est connue, en Occident, qu’à la fin du 15ème siècle. Il serait donc anachronique d’attribuer aux anciens de telles connaissances. Pourtant la proportion est anciennement connue et calculée. Elle règne, certes, dans les constructions des églises médiévales, mais elle est déjà connue dans la Bible.

Il faut se souvenir que les nombres dits irrationnels (qui ont posé bien des problèmes philosophiques et métaphysique aux pythagoriciens, mais ce n’est pas le lieu ici de reprendre ce vieux débat) ont été  jadis, dans la pratique, ramenés à des approximations fractionnaires. Les anciens procédaient de cette manière. Ainsi, le nombre que nous nommons π équivalait à la fraction 22/7 ou le nombre √2 devenait la fraction 17/12. L’approximation était d’ailleurs généralement suffisante.

Il en va de même pour la « proportion dorée » qui est exprimée par l’irrationnel  1,6180339… (la quatrième décimale étant un zéro, on dira couramment 1,618 ou son inverse 0,618). L’approximation fractionnaire est -dans la Bible- 3/5.

Un moderne dirait plutôt 8/5 , mais on pourrait aussi écrire 13/8 , 21/13 etc… On pourrait ainsi ajouter (inutilement !) des décimales au nombre irrationnel. Mieux vaut nous en tenir aux chiffres anciennement attestés dans la Bible. L’important est ici d’ordre symbolique.

Par parenthèse, la relation avec la série des nombres de Fibonacci est évidente, mais elle ne nous intéresse pas directement ici. En effet, Fibonacci (1175-1240 ?) est un mathématicien très éloigné, dans le temps, des rédacteurs des textes bibliques. 

• Dans la Bible …

La « proportion dorée » est bien connue, dans la Bible, en tant que rapport 3/5 (ou 30/50 ou 1,5 / 2,5). Qu’on en juge :

L’Arche de Noé
Cette arche, tu la feras longue de 300 coudées, large de 50 et haute de 30
Genèse 6,15

 Nous voyons ici, entre la largeur (50) et la hauteur (30), la proportion 30/50, c’est à dire 0,6. Quant à la longueur (300), elle est triple de la construction suivante :

La maison de Salomon
La maison que le roi Salomon se fait bâtir (la maison des cèdres) est exactement le tiers de l’Arche de Noé :
Elle avait 100 coudées de longueur, 50 coudées de largeur et 30 coudées de hauteur
I Rois 7,2

Dans les deux cas, largeur et hauteur sont dans la même « proportion dorée ».
C’est encore le cas dans les exemples suivants :

L’autel des sacrifices 
Tu feras l’autel en bois d’acacia : 5 coudées de long, 5 coudées de large -l’autel sera carré- et 3 coudées de haut
Exode 27,1

Le côté du carré est en proportion dorée de la hauteur de l’autel.

Le coffre du témoignage 
Ils feront un coffre en bois d’acacia ; sa longueur sera de deux coudées et demie, sa largeur d’une coudée et demie et sa hauteur d’une coudée et demie. Tu le couvrira d’or pur à l’intérieur et à l’extérieur…
Exode 25,10

> Ce qui sera la réalisation d’un expert (Betsaléel, cf Exode 37,1). Evidemment, il importe peu que la coudée ait telle ou telle dimension : la proportion seule importe. 1,5 et 2,5 sont dans un rapport 3/5.

Il en va de même pour le propitiatoire en or (Exode 37,6) et la table en bois (Exode 37,10).  Il est encore d’autres exemples, mais ce qui précède est sans doute suffisant. Les constructions répondent à une intention symbolique précise -tout comme les constructeurs des églises médiévales obéissent à des normes jugées significatives. De ce point de vue, l’Écriture (spécialement le Pentateuque) est un grand temple où les formes sont porteuses de signification.

> Ce n’est pas le nombre isolé qui est ici porteur de signifiance, mais la proportion indiquée. Il serait naïf de penser que ces proportions ont été indiquées au hasard par des scribes ignorants. Et les études qui ne tiennent pas compte de ce symbolisme sont superficielles -éventuellement savantes, mais superficielles.

• En guise de conclusion

L’utilisation symbolique des nombres a été très développée dans les textes bibliques. Deux raisons à cela : d’une part, tout ce qui existe, dans le ciel et sur la terre, lois physiques ou lois religieuses, nombres ou figures…. proviennent d’un unique créateur. Les nombres sont le miroir de cette origine. D’autre part, les nombres sont abstraits et leur utilisation ne viole en rien l’interdiction de se faire des représentations de ce qui est là-haut dans le ciel ou ici-bas sur la terre. Ce sont des symboles, non des images. Des supports de compréhension, non des représentations à adorer.

De là, l’utilisation d’un symbolisme numérique dans la mise en forme de nombreux textes bibliques. De sorte que beaucoup de textes peuvent être lus « simplement », selon une construction narrative, législative ou poétique « ordinaires ». Mais une autre lecture, symbolique, est possible -ce qui demande une longue initiation…

Nous nous sommes borné ici à l’usage de la seule « proportion dorée », mais il est bien d’autres particularités. Nombres, proportions, jeux d’écriture, cryptographies… abondent et il n’est pas toujours simple, pour un moderne, de pénétrer dans ce monde de la symbolique.

Les études modernes ont négligé cette étude, pour différentes raisons, lesquelles ne sont pas toutes mauvaises -vu l’abondance des spéculations aventureuses. Pour autant, un mauvais usage possible ne disqualifie pas une observation juste.  Est « scientifique » cela seulement qui est conforme à l’observation de la réalité. Encore faut-il que l’acuité du regard soit exercée…

Jacques Chopineau, Genappe, le 12 juillet 2003   
Remarque uniquement pour les utilisateurs de Netscape, le F de la formule doit se lire comme un "phi"