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                                        Bible et Liberté  

Lire la Bible - 1. Le livre de la mémoire Imprimer


Jacques Chopineau

La science de l’écriture est la source de l’histoire et de la civilisation. C’est dans l’écriture que se fonde la mémoire de l’humanité. Le livre qui est, de beaucoup, le plus traduit et le plus diffusé dans le monde est cette collection de livres appelée: la Bible. Et plusieurs grandes civilisations anciennes n’ont été, à l’origine, étudiées que parce qu’elles pouvaient éclairer la compréhension de cette production littéraire léguée par un des plus petits peuples de cette région du monde ancien.

Ce n’est pas sans raison qu’on a parlé du «peuple du livre». Ce peuple-là n’a pas laissé de monument plus grand que le Livre dans lequel il n’a cessé de ressourcer son existence. De grands empires (Assyrie, Babylonie, Perse achéménide, Séleucides...) ont disparu et leurs restes sont l’objet d’études archéologiques. Mais lire la Bible n’est pas réductible aux études historiques.

Ne dit-on pas que les «gens du livre» ont enraciné dans la Bible leur vision du monde et de l’homme ? Comme ceux qui, jadis, ont dû abandonner le Pays qui était le leur, et habitèrent, le temps d’un long exil, leur mémoire. On ne peut emporter ni un pays, ni un Temple, ni une maison... Mais la mémoire est le refuge du peuple.

   Lire la Bible! Est-ce encore possible ?
   Et à quelles conditions ?
   Faut-il être savant ?
   Faut-il être croyant ?
Pour les croyants, en tout cas, l’entrée de la Bible dans le champ des études modernes et universitaires a eu pour conséquence que les «simples fidèles» (c’est à dire ceux qui n’étaient pas initiés à la philologie sémitique, aux études orientales, à l’archéologie du Moyen-Orient…) étaient devenus des «simples lecteurs».

La Bible devait être décryptée avant que d’être lue. Du coup, la piété, sous peine d’être «naïve», devait être informée des travaux les plus récents sur l’histoire du texte, sa formation, sa transmission, son environnement culturel…

Les études savantes ont renvoyé la lecture privée dans les marges du dilettantisme. Peut-on aujourd’hui lire la Bible si l’on est pas formé (voire spécialisé) dans un au moins des domaines de son étude ? Il faut être savant pour lire la Bible! En tout cas, il faut connaître un vocabulaire et des méthodes que seuls des universitaires peuvent aborder. Mais alors, on risque de confondre lire un texte et étudier un texte: les études ont pris la place de la lecture.

On ne lit plus la Bible : on l’étudie. Comment en est on arrivé là ?

Jacques Chopineau, Lire la Bible, Ed. de l'Alliance, Lillois, 1993, p.5-6