Introduction
La Bible est d’emblée
universaliste. Les premiers chapitres du livre de la Genèse
(la création
du monde, la création de l’homme) –même
lorsqu’ils sont de rédaction relativement tardive-
ont été placés en tête de l’ensemble
des textes bibliques. Ce discours d’ouverture ne parle
pas d’une religion particulière, mais du sort
fondamental de tout homme, en tous temps.
L’histoire
d’Abraham commence au chapitre 12 et
avec lui seulement commence l’histoire des « croyants ».
Une religion traditionnelle –issue du monothéisme
biblique- peut certes s’ancrer dans sa propre tradition.
Un héritage riche ne peut être ignoré !
Il n’empêche que la visée de sagesse des
premiers chapitres est universelle.
Cette perspective universelle
ne sera jamais perdue de vue dans les textes bibliques. De
nombreux textes en témoignent –surtout
dans les écrits sapientiaux (Job, Proverbes, Ecclésiaste… ).
Hors de ce champ, nous nous bornerons ici à deux textes
du livre des louanges que nous appelons « livre des
Psaumes ».
Rappelons-nous les débuts du livre
de la Genèse.
Sans entrer pourtant dans les détails de la construction
grandiose et complexe de ce vaste programme appelé « création » (un
livre n’y suffirait pas). L’homme seul est au
centre, mais ce « centre » apparaît seulement
au « 6ème
jour ».
Une seule création et –au cœur
de cette création-
une seule race humaine. Rappelons qu’en termes bibliques,
les « races » n’existent pas. Tous les
humains sont « fils d’Adam ». Une seule
division partage, constitutivement, cette humanité en
deux : les mâles et les femelles. Sans cette division,
d’ailleurs,
il n’y aurait pas de race humaine.
Il n’est donc
pas d’androgyne primitif. Ce mythe
grec, malgré une certaine mode, n’est pas un
mythe biblique. Restons-en au texte biblique :
«
mâle et femelle, Il les créa » Genèse
1,27
Non pas « Il le créa » -comme l’écrivait
(malgré la lettre du texte hébreu) une grande
revue française. Même s’il est à la
mode, un contre-sens reste ce qu’il est ; et les fautes
de traduction (elles sont nombreuses –surtout là où la
Bible ne fait pas partie de la culture) deviennent parfois
des « vérités » invoquées
et répétées.
Psaume 8
Par la volonté de Dieu, l’homme
est le roi de la création toute entière (cf
8,8). Depuis l’enfance
:
«
Par la bouche des enfants, des nourrissons, tu as fondé une
force, à cause de tes adversaires… » Psaumes
8,3
Nous sommes peu habitués à mettre les nourrissons
au nombre des armes ! Pourtant, sans ce renouvellement perpétuel
: la race humaine n’aurait aucun avenir. Il reste que
l’essentiel de ce texte est la gloire du créateur,
ainsi que le rappelle le refrain :
«
Que ton nom est magnifique sur toute la terre » 8,
2 et 10
Dans cette immense création, cependant :
«
Qu’est-ce que l’homme pour que tu te souviennes
de lui ? » 8,5
Ce roi de la création « de
peu inférieur à un Dieu » (8,6)
est aussi un vermisseau. Qu’est-ce qui en fait la grandeur ? (1). Non
pas, certes, ce qu’il pense être sa force !
Psaume 87
À la différence du psaume 8
(qui vise toute la création vivante),
le psaume 87 met au premier plan cette race humaine « élue » -en
ce qu’elle a de meilleur. Ici, l’homme au centre est le centre
de tout homme.
Le centre seul ou –dans le langage de la symbolique
religieuse de cette époque- le centre « géographique » qui
est le lieu d’origine de tout homme.
L’origine est au cœur –comme
la source pour un fleuve. Sans petite source, pas de grand fleuve. Sans
lieu de naissance, pas de chemin de
vie. C’est au chemin parcouru que la naissance est connue.
Le cœur
n’est pas ce qui vient en premier : le cœur est un estuaire.
Mais le lieu de naissance nous intéresse ici.
C’est le lieu
où est
tombée la tête –comme le dit l’expression arabe
qui désigne ainsi la terre natale (masqat ur-ra’s). Ce « lieu » désigne
aussi –symboliquement- le lieu de tout homme. Cette source qui
est le point de départ du long cheminement vers l’estuaire.
Un sage indien (Sri Aurobindo) disait que la
religion est une route vers Dieu, en ajoutant : « une
route n’est pas une maison ».
Pourtant, les religions confessionnelles défendent leur maison,
comme si leur maison était
un chemin.
Les définitions –comme les amulettes-
peuvent certes indiquer. Les coutumes, de même, sont
un cadre propice ou un rappel. Mais elles ne font que désigner
la réalité.
C’est l’histoire du
doigt qui montre la lune, sans cependant être
sur la lune.
C’est vers la source qu’il faut marcher. Quel que soit le nom qu’elle
porte. En ce sens, le psaume rappelle l’essentiel :
«
J’évoque Rahav et Babylone
parmi ceux qui me connaissent
le pays des philistins, Tyr, avec Koush
C’est là qu’untel est né .
Mais de Sion il est dit : tous y sont nés,
Et c’est lui, le Très-Haut, qui l’affermit.
Le Seigneur compte les peuples en les inscrivant :
C’est là qu’untel est né.
Ceux qui chantent comme ceux qui dansent s’écrient
:
Toutes mes sources sont en toi.
Psaume 87, 4-7 (2)
Jacques Chopineau, Genappe le 5 octobre 2005
(1) Ce paradoxe est au cœur de toute théologie. St Augustin le soulignait
: « Et pourtant, l’homme veut te louer, cette infime portion de ta
création… (et tamen laudare te vult homo aliqua portio creaturae
tuae… ). Mais notre siècle marchand peut-il connaître
ce paradoxe ?
(2) Le texte hébreu
est difficile, mais non incompréhensible.
La traduction choisie ici est celle de la Nouvelle Bible
Segond (NBS). |