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 Bible et liberté



    Jacques Chopineau

 

- Introduction

- Psaume 8

- Psaume 87

 

 

   

 


Toutes mes sources sont en toi

 

 

Introduction

La Bible est d’emblée universaliste. Les premiers chapitres du livre de la Genèse (la création du monde, la création de l’homme) –même lorsqu’ils sont de rédaction relativement tardive- ont été placés en tête de l’ensemble des textes bibliques. Ce discours d’ouverture ne parle pas d’une religion particulière, mais du sort fondamental de tout homme, en tous temps.

L’histoire d’Abraham commence au chapitre 12 et avec lui seulement commence l’histoire des « croyants ». Une religion traditionnelle –issue du monothéisme biblique- peut certes s’ancrer dans sa propre tradition. Un héritage riche ne peut être ignoré ! Il n’empêche que la visée de sagesse des premiers chapitres est universelle.

Cette perspective universelle ne sera jamais perdue de vue dans les textes bibliques. De nombreux textes en témoignent –surtout dans les écrits sapientiaux (Job, Proverbes, Ecclésiaste… ). Hors de ce champ, nous nous bornerons ici à deux textes du livre des louanges que nous appelons « livre des Psaumes ».

Rappelons-nous les débuts du livre de la Genèse. Sans entrer pourtant dans les détails de la construction grandiose et complexe de ce vaste programme appelé « création » (un livre n’y suffirait pas). L’homme seul est au centre, mais ce « centre » apparaît seulement au « 6ème jour ».

Une seule création et –au cœur de cette création- une seule race humaine. Rappelons qu’en termes bibliques, les « races » n’existent pas. Tous les humains sont « fils d’Adam ». Une seule division partage, constitutivement, cette humanité en deux : les mâles et les femelles. Sans cette division, d’ailleurs, il n’y aurait pas de race humaine.

Il n’est donc pas d’androgyne primitif. Ce mythe grec, malgré une certaine mode, n’est pas un mythe biblique. Restons-en au texte biblique :
« mâle et femelle, Il les créa » Genèse 1,27

Non pas « Il le créa » -comme l’écrivait (malgré la lettre du texte hébreu) une grande revue française. Même s’il est à la mode, un contre-sens reste ce qu’il est ; et les fautes de traduction (elles sont nombreuses –surtout là où la Bible ne fait pas partie de la culture) deviennent parfois des « vérités » invoquées et répétées.

Psaume 8   

Par la volonté de Dieu, l’homme est le roi de la création toute entière (cf 8,8). Depuis l’enfance :
« Par la bouche des enfants, des nourrissons, tu as fondé une force, à cause de tes adversaires… » Psaumes 8,3

Nous sommes peu habitués à mettre les nourrissons au nombre des armes ! Pourtant, sans ce renouvellement perpétuel : la race humaine n’aurait aucun avenir. Il reste que l’essentiel de ce texte est la gloire du créateur, ainsi que le rappelle le refrain :
« Que ton nom est magnifique sur toute la terre » 8, 2 et 10

Dans cette immense création, cependant :
« Qu’est-ce que l’homme pour que tu te souviennes de lui ? » 8,5

Ce roi de la création « de peu inférieur à un Dieu » (8,6) est aussi un vermisseau. Qu’est-ce qui en fait la grandeur ? (1). Non pas, certes, ce qu’il pense être sa force !

Psaume 87   

À la différence du psaume 8 (qui vise toute la création vivante), le psaume 87 met au premier plan cette race humaine « élue » -en ce qu’elle a de meilleur. Ici, l’homme au centre est le centre de tout homme.
Le centre seul ou –dans le langage de la symbolique religieuse de cette époque- le centre « géographique » qui est le lieu d’origine de tout homme.

L’origine est au cœur –comme la source pour un fleuve. Sans petite source, pas de grand fleuve. Sans lieu de naissance, pas de chemin de vie. C’est au chemin parcouru que la naissance est connue.

Le cœur n’est pas ce qui vient en premier : le cœur est un estuaire. Mais le lieu de naissance nous intéresse ici.
C’est le lieu où est tombée la tête –comme le dit l’expression arabe qui désigne ainsi la terre natale (masqat ur-ra’s). Ce « lieu » désigne aussi –symboliquement- le lieu de tout homme. Cette source qui est le point de départ du long cheminement vers l’estuaire.

Un sage indien (Sri Aurobindo) disait que la religion est une route vers Dieu, en ajoutant : « une route n’est pas une maison ». Pourtant, les religions confessionnelles défendent leur maison, comme si leur maison était un chemin.

Les définitions –comme les amulettes- peuvent certes indiquer. Les coutumes, de même, sont un cadre propice ou un rappel. Mais elles ne font que désigner la réalité.

C’est l’histoire du doigt qui montre la lune, sans cependant être sur la lune.
C’est vers la source qu’il faut marcher. Quel que soit le nom qu’elle porte. En ce sens, le psaume rappelle l’essentiel :

« J’évoque Rahav et Babylone
parmi ceux qui me connaissent
le pays des philistins, Tyr, avec Koush
C’est là qu’untel est né .
Mais de Sion il est dit : tous y sont nés,
Et c’est lui, le Très-Haut, qui l’affermit.
Le Seigneur compte les peuples en les inscrivant :
C’est là qu’untel est né.
Ceux qui chantent comme ceux qui dansent s’écrient :
Toutes mes sources sont en toi.

                                              Psaume 87, 4-7 (2)

Jacques Chopineau, Genappe le 5 octobre 2005

(1) Ce paradoxe est au cœur de toute théologie. St Augustin le soulignait : « Et pourtant, l’homme veut te louer, cette infime portion de ta création… (et tamen laudare te vult homo aliqua portio creaturae tuae… ). Mais notre siècle marchand peut-il connaître ce paradoxe ?

(2) Le texte hébreu est difficile, mais non incompréhensible. La traduction choisie ici est celle de la Nouvelle Bible Segond (NBS).