Les
psaumes
Merveilleuse collection
de 150 psaumes ! Prières, louanges, plaintes… pour
tous les moments de la vie et donc aussi pour tous les âges
de la vie. Il est des lectures plus profondes que d’autres
et il est clair qu’un même texte n’a pas
forcément le même sens à trente ans d’intervalle.
En ce domaine, est “vrai” ce qui fait sens.
Le
terme de “psaume” est gréco-latin.
On désignait ainsi un chant accompagné d’un
instrument à cordes. L’hébreu dit : “louanges” (tehillim).
Le style est souvent poétique dans la forme, mais
non toujours. Certains psaumes sont prosaïques. Surtout
les psaumes qui veulent être un enseignement (accessible
aux enfants, comme le Psaume 111) ou à la mesure d’un
adulte dont la mémoire est, depuis longtemps, entraînée
(comme le Psaume 119).
Le portique qui
ouvre cet ensemble est le psaume 1. Un psaume de sagesse,
sans doute tardif,
mais placé en tête
de tout le recueil. Ce n’est certes pas pour rien !
Bonheurs…
Lisons
ce texte, pas à pas. Une lecture rapide et
superficielle, pourrait nous donner à penser que ce
qui suit est composé de généralités édifiantes.
Une lecture attentive détruit cette impression de
lecteur pressé.
«
Heureux l'homme… »
Littéralement : « Bonheurs de… ».
Telle est, en hébreu, la formule des “makarismes”.
Ce qui suit va nous décrire quels sont ces bonheurs.
Remarquons qu’il est dit : « Bonheurs de l’homme… ».
Non pas : de l’israélite ou du croyant. Tout
homme est ici convié à découvrir ces
bonheurs.
«
Heureux l'homme qui ne va pas selon le conseil des méchants… »
Un poète nicaraguayen (prêtre et ministre) traduisait
: « Heureux celui qui ne suit pas les consignes du
parti. Qui n’assiste pas à leurs meetings… ».
De même, la Bible dit : « Ne va pas à la
suite des nombreux pour faire le mal » (Exode 23,2).
Combien de fois, le mal n’est-il pas commis par simple
conformisme. “Tout le monde fait ça !”… Sans
doute, mais il y aurait du bonheur à ne pas le faire.
Ces « méchants » (ou « impies »)
sont une partie de notre entourage quotidien.
«
et qui ne s'arrête pas au chemin des pécheurs…»
Ainsi doit être rendu en français le verbe “se
tenir debout” : ne t’arrête pas ! Il est
impossible de vivre et de ne pas croiser toutes sortes de
chemins… Simplement, par sagesse : ne t’y arrête
pas ;ce n’est pas ton chemin.
« et
dans un lieu de moquerie, il ne prend pas place »
Le bonheur de certains est de s’asseoir et de se moquer
des passants. Ne prends pas cette place : ce n’est
pas la tienne. Parfois, la sagesse est de se tenir à l’écart
des modes, des chapelles, des tendances…
«
mais il prend plaisir dans la Thora de l'Éternel »
Plutôt « Thora » que « Loi » :
il s’agit d’abord d’un enseignement vital
cherché et non d’un code juridique écrit.
Nul ne travaille longtemps sur un chemin où il ne
prend pas de plaisir. Heureux celui qui prend plaisir à cette étude.
«
et dans sa Thora, médite jour et nuit »
«
Médite » ou « murmure » (le même
verbe est employé dans ces deux sens). Une présence
(une attention) figurée par un parler intérieur
continuel ; dans la veille comme dans le sommeil.
«
Il sera comme un arbre transplanté auprès des
canaux d'irrigation…»
Belle image que celle de l’arbre. Un arbre s’élève
dans la mesure où ses racines s’étendent
et puisent l’eau des profondeurs. Encore faut-il une
eau permanente, et non de ces torrents imprévisibles
: tantôt débordants et tantôt asséchés.
Deux mots sur la traduction. « transplanté » (non « planté »),
car personne n’est né près des eaux :
il faut y être transplanté (et c’est ce
que dit le texte original hébreu : « shatûl » signifie « transplanté »,
tandis que « planté » serait « natû’a).
Les « courants d’eau » (de nombreuses traductions
disent cela) sont ici des canaux d’eau permanente,
destinés à l’irrigation.
« Il donnera
son fruit en son temps »
«
En son temps » et non en tous temps. Le propre de l’arbre
est la longue patience. De même, le sage… Et
chaque arbre a son propre moment favorable, sa saison.
«
et son feuillage ne flétrira pas »
Tel est l’arbre vert de la vie
«
Tout ce qu'il fait réussira »
Eviter le contresens courant : « Tout ce qu’il
fait réussit ».
Le verbe « réussira » se
rapporte à « ce qu’il fait » et
non à l’auteur de cette action. La nuance est
importante !
Tout ce qu’il entreprend, tout ce à quoi il
travaille, est appelé à réussir. Cela
ne veut pas dire que lui-même réussira. Le sage
n’est pas un modèle de réussite sociale
! De même, les prophètes, souvent, sont allés à contre-courant
de l’opinion majoritaire. Mais la vérité finit
toujours par l’emporter, au prix de bien des épreuves,
parfois…
Rappelons aux chrétiens que la mort en croix n’est
pas non plus un exemple de réussite sociale. Par contre,
le grand inquisiteur était un personnage considérable.
Mais l’un est vivant et l’autre est mort.
La
voie qui se perd
Pour faire droit aux besoins de ce medium électronique,
ces lignes ne sont pas un commentaire complet. On peut
donc laisser de côté ici les versets 4 et
5. Ces versets décrivent le sort des impies (c'est-à-dire
de ceux qui méprisent ces bonheurs et qui -bulles
légères- sont emportés comme ce qu’ils
poursuivent). Cependant, le verset final (verset 6) doit
nous retenir :
«
Car l'Éternel connaît le chemin des justes,
mais le chemin des impies se perd »
On connaît bien la construction appelée “chiasme” dans
laquelle le deuxième membre de l’énoncé reprend, à l’inverse
et symétriquement, la construction du premier membre.
Ainsi, par exemple :
sujet + verbe + complément
VS complément + verbe + sujet.
Construction expressive
courante en hébreu ancien.
Ici cependant, dans le
deuxième membre : nous ne lisons
pas le sujet ! En fait, le sujet n’est autre ici
que le complément. Le chemin se perd : le chemin
de qui ?
Même l’Eternel ne peut connaître
ce qui n’est le chemin de personne. Un chemin qui
se perd (comme l’eau dans le sable) n’est pas
connaissable.
Le « juste », cependant, n’est tel que
parce qu’il a un chemin. Et ce chemin est connu de
l’Eternel. Le propre d’un chemin, c’est
d’avoir un but. Comme le propre de l’aiguille
de la boussole est d’indiquer la direction du pôle.
Un texte “sacré” n’est qu’un
rappel -et un jalon- de cette expérience fondatrice.
Expérience qu’un texte coranique rappelle à sa
manière, se référant au texte sacré de
l’Islam :
«
Il (le texte) n’est qu’un rappel (dhikr) pour
les mondes » Sourate 81,27
Jacques Chopineau, Genappe,
le 1er août 2004 |