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 Bible et libertés


  Jacques Chopineau

 

- Les Psaumes

- Bonheurs…

- La voie qui se perd

 

   


Un psaume de sagesse

 

 

Les psaumes

Merveilleuse collection de 150 psaumes ! Prières, louanges, plaintes… pour tous les moments de la vie et donc aussi pour tous les âges de la vie. Il est des lectures plus profondes que d’autres et il est clair qu’un même texte n’a pas forcément le même sens à trente ans d’intervalle. En ce domaine, est “vrai” ce qui fait sens.

Le terme de “psaume” est gréco-latin. On désignait ainsi un chant accompagné d’un instrument à cordes. L’hébreu dit : “louanges” (tehillim).
Le style est souvent poétique dans la forme, mais non toujours. Certains psaumes sont prosaïques. Surtout les psaumes qui veulent être un enseignement (accessible aux enfants, comme le Psaume 111) ou à la mesure d’un adulte dont la mémoire est, depuis longtemps, entraînée (comme le Psaume 119).

Le portique qui ouvre cet ensemble est le psaume 1. Un psaume de sagesse, sans doute tardif, mais placé en tête de tout le recueil. Ce n’est certes pas pour rien !

Bonheurs…   

Lisons ce texte, pas à pas. Une lecture rapide et superficielle, pourrait nous donner à penser que ce qui suit est composé de généralités édifiantes. Une lecture attentive détruit cette impression de lecteur pressé.

« Heureux l'homme… »
Littéralement : « Bonheurs de… ». Telle est, en hébreu, la formule des “makarismes”. Ce qui suit va nous décrire quels sont ces bonheurs. Remarquons qu’il est dit : « Bonheurs de l’homme… ». Non pas : de l’israélite ou du croyant. Tout homme est ici convié à découvrir ces bonheurs.

« Heureux l'homme qui ne va pas selon le conseil des méchants… »
Un poète nicaraguayen (prêtre et ministre) traduisait : « Heureux celui qui ne suit pas les consignes du parti. Qui n’assiste pas à leurs meetings… ». De même, la Bible dit : « Ne va pas à la suite des nombreux pour faire le mal » (Exode 23,2).
Combien de fois, le mal n’est-il pas commis par simple conformisme. “Tout le monde fait ça !”… Sans doute, mais il y aurait du bonheur à ne pas le faire. Ces « méchants » (ou « impies ») sont une partie de notre entourage quotidien.

« et qui ne s'arrête pas au chemin des pécheurs…»
Ainsi doit être rendu en français le verbe “se tenir debout” : ne t’arrête pas ! Il est impossible de vivre et de ne pas croiser toutes sortes de chemins… Simplement, par sagesse : ne t’y arrête pas ;ce n’est pas ton chemin.

« et dans un lieu de moquerie, il ne prend pas place »
Le bonheur de certains est de s’asseoir et de se moquer des passants. Ne prends pas cette place : ce n’est pas la tienne. Parfois, la sagesse est de se tenir à l’écart des modes, des chapelles, des tendances…

« mais il prend plaisir dans la Thora de l'Éternel »
Plutôt « Thora » que « Loi » : il s’agit d’abord d’un enseignement vital cherché et non d’un code juridique écrit. Nul ne travaille longtemps sur un chemin où il ne prend pas de plaisir. Heureux celui qui prend plaisir à cette étude.

« et dans sa Thora, médite jour et nuit »
« Médite » ou « murmure » (le même verbe est employé dans ces deux sens). Une présence (une attention) figurée par un parler intérieur continuel ; dans la veille comme dans le sommeil.

« Il sera comme un arbre transplanté auprès des canaux d'irrigation…»
Belle image que celle de l’arbre. Un arbre s’élève dans la mesure où ses racines s’étendent et puisent l’eau des profondeurs. Encore faut-il une eau permanente, et non de ces torrents imprévisibles : tantôt débordants et tantôt asséchés.
Deux mots sur la traduction. « transplanté » (non « planté »), car personne n’est né près des eaux : il faut y être transplanté (et c’est ce que dit le texte original hébreu : « shatûl » signifie « transplanté », tandis que « planté » serait « natû’a). Les « courants d’eau » (de nombreuses traductions disent cela) sont ici des canaux d’eau permanente, destinés à l’irrigation.

« Il donnera son fruit en son temps »
« En son temps » et non en tous temps. Le propre de l’arbre est la longue patience. De même, le sage… Et chaque arbre a son propre moment favorable, sa saison.

« et son feuillage ne flétrira pas »
Tel est l’arbre vert de la vie

« Tout ce qu'il fait réussira »
Eviter le contresens courant : « Tout ce qu’il fait réussit ».
Le verbe « réussira » se rapporte à « ce qu’il fait » et non à l’auteur de cette action. La nuance est importante !
Tout ce qu’il entreprend, tout ce à quoi il travaille, est appelé à réussir. Cela ne veut pas dire que lui-même réussira. Le sage n’est pas un modèle de réussite sociale ! De même, les prophètes, souvent, sont allés à contre-courant de l’opinion majoritaire. Mais la vérité finit toujours par l’emporter, au prix de bien des épreuves, parfois…
Rappelons aux chrétiens que la mort en croix n’est pas non plus un exemple de réussite sociale. Par contre, le grand inquisiteur était un personnage considérable. Mais l’un est vivant et l’autre est mort.

La voie qui se perd  

Pour faire droit aux besoins de ce medium électronique, ces lignes ne sont pas un commentaire complet. On peut donc laisser de côté ici les versets 4 et 5. Ces versets décrivent le sort des impies (c'est-à-dire de ceux qui méprisent ces bonheurs et qui -bulles légères- sont emportés comme ce qu’ils poursuivent). Cependant, le verset final (verset 6) doit nous retenir :

« Car l'Éternel connaît le chemin des justes, mais le chemin des impies se perd »
On connaît bien la construction appelée “chiasme” dans laquelle le deuxième membre de l’énoncé reprend, à l’inverse et symétriquement, la construction du premier membre. Ainsi, par exemple :
sujet + verbe + complément VS complément + verbe + sujet.
Construction expressive courante en hébreu ancien.

Ici cependant, dans le deuxième membre : nous ne lisons pas le sujet ! En fait, le sujet n’est autre ici que le complément. Le chemin se perd : le chemin de qui ?

Même l’Eternel ne peut connaître ce qui n’est le chemin de personne. Un chemin qui se perd (comme l’eau dans le sable) n’est pas connaissable.
Le « juste », cependant, n’est tel que parce qu’il a un chemin. Et ce chemin est connu de l’Eternel. Le propre d’un chemin, c’est d’avoir un but. Comme le propre de l’aiguille de la boussole est d’indiquer la direction du pôle.

Un texte “sacré” n’est qu’un rappel -et un jalon- de cette expérience fondatrice. Expérience qu’un texte coranique rappelle à sa manière, se référant au texte sacré de l’Islam :
« Il (le texte) n’est qu’un rappel (dhikr) pour les mondes » Sourate 81,27

Jacques Chopineau, Genappe, le 1er août 2004