CORRESPONDANCE UNITARIENNE | avril 2004 |
Jésus, Marcel Légaut et nous | |
" Comprendre le monde est une recherche personnelle
toujours inachevée,
et pourtant fondamentale : Jésus,
Marcel Légaut et nous Il arrive à chacun de méditer sur le mystère
de son insertion personnelle dans l'Histoire - être venu au monde à tel
moment et en tel lieu - et de prendre conscience pour son propre compte
des apparences accidentelles et de l'improbabilité de son existence.
Il est aussi des re-croisements fortuits particulièrement porteurs
de lumière, des rencontres qui éveillent, qui engendrent à plus
de vie et dont les conséquences s'enchaînent jusqu'à tisser
toute une destinée personnelle : telle est l'expérience
de ceux à qui il est donné de faire la rencontre, dans
toute la vérité dont ils sont capables, de Jésus
de Nazareth, dit le Christ. Or, cette rencontre elle-même, à vingt
siècles de distance, ne peut se faire sans une succession de relais
: depuis le témoignage d'apôtres ou de disciples qui ont écrit
des textes appelés évangiles ("Bonnes Nouvelles"),
jusqu'aux témoignages de contemporains dont la vie a été transformée
et fécondée par le même message. Marcel Légaut
est l'un de ces témoins. A ceux qui l'ont connu, à ceux, plus nombreux,
qui l'ont rencontré par ses livres, en prenant la peine de le
lire avec attention, Marcel Légaut apparaît comme un de ces pionniers
particulièrement lucides, dont l'Żuvre aura puissamment contribué à ce
que le message de vie apporté par Jésus continue son travail
nécessaire d'humanisation. Heureux qui croise un tel éveilleur. Mais les vrais témoins ne sauraient être
pris pour des gourous capables de susciter des sectes. Au contraire,
comme il en est avec Marcel Légaut, l'efficacité paradoxale
de leur transmission vient plutôt de ce qu'ils se refusent à toute
autorité de commandement et restent à une place modeste
d'où ils peuvent aider les autres à grandir et à devenir
eux-mêmes, témoignant ainsi d'une inversion tout évangélique
des grandeurs. Ainsi, Marcel Légaut ne fait que répercuter
un appel. C'est un disciple, qu'un lien vital attache à Jésus
de Nazareth ; il n'a lui-même, littéralement, pas de disciples. C'est grâce à son milieu d'origine et à son Église
- l'Église catholique romaine - que Légaut a pu faire de
Jésus une rencontre personnelle. Face à ce jeune juif,
perçu dès le premier abord comme un homme exceptionnellement
accompli, il s'est trouvé engagé à chercher plus
avant qui a été ce Jésus, et qui il peut être
encore aujourd'hui pour ses disciples. Ces questions, qui touchent aux
fondements mêmes de la foi des chrétiens, Légaut
les a laissé mourir en lui, s'en nourrissant en même temps
qu'il les éclairait de sa propre vie intérieure, avant
d'en faire la matière principale de son Żuvre. Une telle recherche,
menée avec passion, et avec l'exigence d'honnêteté que
lui imposait sa formation scientifique, a conduit Légaut à comprendre
comment son Église, après avoir été l'introductrice
indispensable, a construit au sujet de Jésus toute une christologie,
tout un édifice doctrinal, devenu aujourd'hui en grande partie
irrecevable. Cette construction, pourtant nécessaire au départ,
compte tenu des mentalités du temps, est devenue religion établie,
pourvoyeuse de croyances, et pour beaucoup de nos contemporains, un obstacle à la
foi. Dans le sillage de Marcel Légaut et de quelques
grands spirituels contemporains, nombre de chrétiens osent aujourd'hui
accueillir de tels questionnements, et vont jusqu'à admettre qu'il
est devenu nécessaire de dépouiller le crucifié du
Golgotha de ce dont on l'a abusivement revêtu, de le débarrasser
en particulier de sa qualité de "Dieu" conçue
de manière traditionnelle, pour que Jésus retrouve sa pleine
grandeur, sa pleine dignité d'homme, et pour qu'il puisse alors
susciter un attachement en profondeur, une foi, voire une communion spirituelle
non susceptible d'idolâtrie. Bien des mises en question qui
s'imposent aujourd'hui dans le désarroi de la modernité sont de nature à inquiéter, à déstabiliser,
parfois à scandaliser certains croyants sincèrement soumis à l'enseignement
traditionnel de leur Église. Il est sans doute inévitable
qu'elles soient souvent mal perçues, qu'elles passent pour un
manque de foi, ou pour une préoccupation seulement intellectuelle
qui détourne d'une vie réellement inspirée par l'Évangile.
Marcel Légaut, conscient de leur gravité les a posées
en homme de foi et de fidélité, jamais de façon
polémique. Respectueux de tout croyant sincère, il savait
trop que notre recherche ne vaut que par ce que nous sommes, selon la
vérité de ce que nous vivons. Ce chercheur exigeant, qui
laisse une Żuvre écrite importante était pourtant avant
tout - paradoxalement - un homme de silence et de méditation.
Privilégiant l'être sur le dire, il se voulait solidaire
de la multitude de ceux qui, ne se posant pas les mêmes questions,
témoignent simplement d'une qualité d'humanité dont
Jésus a suprêmement manifesté l'espérance
sur la terre. On imagine aisément à quels honneurs
mondains et à quels sommets sociaux les dons exceptionnels de
Marcel Légaut
auraient pu lui permettre d'accéder. Mais en abandonnant la situation
protégée de l'universitaire pour vivre avec sa famille
une vie de paysan montagnard, l'homme de science a plutôt choisi
l' "échec" social. Sa réussite est d'un autre
ordre. Aussi son oeuvre est-elle de celles qui ne passent pas. Parce
que ses écrits sont de nature à éclairer en chacun
un chemin de vie essentiel, ils sont source pour le lecteur d'un approfondissement
personnel, d'une croissance dans l'intériorité et la responsabilité,
en même temps qu'ils appellent à une collaboration fraternelle
les personnes qui partagent les mêmes questions vitales. C'est pourquoi des hommes et des femmes de ce temps sont résolument engagés sur les chemins qu'il a ouverts, s'efforçant de poursuivre la même quête, de la prolonger avec la même exigence, conscients pourtant de courir un double risque : celui d'attiédir son message, et inversement, celui d'être perçus comme des destructeurs de la foi à laquelle ils se veulent fidèles. Ils se retrouvent en divers endroits, en France et à l'étranger (Belgique, Espagne, Suisse, Allemagne, Québec, etc.) en groupes de recherche et de partage, formant un vaste réseau fraternel : l'Association culturelle Marcel Légaut, dont le siège social est à La Magnanerie (26270 Mirmande), lieu d'accueil et centre de concertation principal des amis de Marcel Légaut. |
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