retour petite gazette
 Dialogue


    Raphaël Picon

 

 

 

   

Cinq principes :

1. Théologique
2. Philosophique
3. Religieux
4. Christologique
5. Métaphysique

 

   


Jalons pour un dialogue vif et stimulant

 

 


Nous aimerions ici proposer cinq principes qui autorisent une approche positive des autres religions sans pour autant dévaloriser et dénaturer la foi chrétienne.

Le premier principe est d'ordre théologique

Il souligne le simple fait que Dieu ne se laisse jamais réduire à ce que nous en disons et à ce que nous croyons à son sujet. Dieu demeure insoumis à tout ce qui cherche à le définir et le limiter à travers des discours, des dogmes, des institutions. Il ne se laisse jamais réduire aux projections que nous en faisons; il est toujours aussi autre chose que ce que nous en disons. Ce principe est important pour valoriser la différence religieuse comme le témoin de la richesse infinie de Dieu. Les autres religions nous font découvrir des aspects du divin que notre foi, notre culture et nos systèmes théologiques ne peuvent pas intégrer car ils ne peuvent précisément pas épuiser la totalité de Dieu. L'autre nous révèle que nos théologies et notre foi ne sont pas les seules possibles parce que Dieu n'est pas réductible à une seule foi, à une seule expression théologique.

Le deuxième principe est d'ordre philosophique

Il rappelle la nécessité de l'autre dans la construction de nos identités. Les sciences humaines nous ont bien montré combien sont importantes les influences que nous subissons. Si nous restions totalement isolés les uns des autres nous aurions vite fait de dépérir... Ceci nous autorise même à penser que ce qui structure réellement notre identité dépend justement de la manière de faire le tri parmi toutes les influences reçues. L'autre apparaît ici comme un élément constitutif de notre identité. La relation à celui-ci est une source constante de créativité, de stimulation, de mise en question, d'encouragement... La différence relève ainsi d'une véritable nécessité. Plus les différences sont nombreuses, plus les possibilités de renouvellement et de transformation de chacun sont fécondes.

Le troisième principe est d'ordre religieux

Il pointe la nécessité spirituelle du dialogue avec les autres religions. Ce que nous venons d'affirmer au sujet de nos identités peut l'être aussi au sujet des religions. Une religion qui resterait imperméable aux autres risquerait de se figer dans le temps, de se fermer à toute discussion et de devenir une forme d'absolu pour celui ou celle qui s'y réfère. La rencontre nous permet en effet de ne pas sacraliser nos convictions, de ne pas transformer nos images de Dieu en idoles. Le dialogue interreligieux enrichit aussi la théologie d'une possibilité extrêmement féconde de créativité. Il confronte nos théologies à des perspectives différentes qui peuvent en retour questionner et transformer nos convictions et nos pratiques. Dans ce sens, le dialogue offre aux religions la possibilité de s'enrichir de tout ce qu'elles ne croient pas encore au sujet de Dieu.

Le quatrième principe est d'ordre christologique

Il souligne le fait que si la référence au Christ doit rester constitutive de la foi chrétienne, il ne s'agit pas de faire de ce Christ une source d'exclusion. Contre une approche «théocentrique» de la foi chrétienne qui inviterait celle-ci à se dessaisir d'une référence normative au Christ pour se recentrer sur le Dieu supposé de tous, il nous semble nécessaire, pour éviter le relativisme et par fidélité à la foi chrétienne, de valoriser cette référence au Christ comme la spécificité irréductible du Christianisme. le maintien de cette référence implique cependant un véritable travail christologique. Si le Christ doit rester au centre, il serait en effet incongru et contradictoire par rapport à la prédication de Jésus-Christ, d'en faire un instrument d'arrogance et de refus de l'autre. A la suite du théologien Paul Tillich ou des théologiens du Process, nous pourrons par exemple rappeler ici la nécessaire distinction entre Jésus et le Christ. Si "Jésus" désigne une personne historique, le "terme de " Christ" désigne lui une fonction, celle d'être " oint ", choisi par Dieu. Dire de Jésus qu'il est le Christ revient donc à confesser que nous reconnaissons que cet homme Jésus a pour fonction de servir de Christ. Cette fonction ne lui est pas réservée et peut donc déborder le cadre limité du Christianisme. Si Jésus est, pour les Chrétiens, l'incarnation emblématique et exemplaire de cette fonction Christ, celle-ci peut désigner la présence agissante et créatrice de Dieu dans toute l'histoire de l'humanité, indépendamment de Jésus.

Le cinquième principe est d'ordre métaphysique

Il fait du pluralisme une véritable conviction théologique. De même que nous avons besoin des autres pour nous structurer dans nos identités, nous aimerions affirmer ici que Dieu lui-même a très certainement besoin de nos différences pour poursuivre son reuvre créatrice. C'est ici un point central de la théologie du Process. Dieu ne crée pas à partir de rien mais se doit toujours de composer avec ce qui est déjà là. Dieu crée en se servant des données du monde déjà existantes, en les associant pour les transformer et les ouvrir à de nouvelles possibilités d'existence. Plus les différences qui composent le réel sont fortes, plus les potentialité de combinaisons et de transformation sont riches. Un monde homogène, uniforme, où tout serait semblable, serait un monde fermé à toute relation innovante. Dieu a donc besoin de la pluralité du monde pour y inscrire son action créatrice !

Raphaël Picon, Evangile et liberté n° 170, p.5  

 


          

Profils de libertés