Le Lac Léman
Dites-moi
Regardez-vous souvent
Ce velours bleu du lac Léman
Ces semi-transparences
Qui vous séparent de nous
Et qui pourtant relient
La Suisse à la France
Dites-moi
Regardez-vous parfois
À la tombée du jour
Le soleil couchant du côté du Jura
Qui entraîne avec lui
Des histoires d'amour
Dont nous ne parlons pas
Et demain dès la première heure
De l'aube entre vous et nous
Nous reverrons des bateaux qui filent
Les voiles gonflées
Par un vent si doux
Qu'ils semblent avancer
À contre-coeur
L'odeur de la morue
Parfois dans l'eau du port
On voit nager des méduses
Entre des algues sombres
Et des taches d'huile irisées
Un bateau de pêche
Accoste souvent
À deux pas du vieux banc
Où l'on vient s'asseoir
Le soir par beau temps
Près de la bitte d'amarrage
Les marins infatigables
Étalent des paniers de poissons frais
Pêchés du jour
L'odeur de la morue
Ô
mon amour
M'est devenue insupportable
Hommage à Léo
Ferré
Voici longtemps que je ne me pends plus
Au luminaire du salon
Au réverbère de la rue
Aux branches hautes des sapins
Ou d'autres arbres du jardin
Mon chimpanzé seul s'y royaume
Et s'il m'arrive de l'observer
Du coin de l'oeil
En balancement de métronome
Ce n'est pas pour me moquer
De lui mais au contraire
Pour l'admirer comme naguère
Léo Ferré admirait sa guenon
Mon chimpanzé ne fera pas
L'objet d'une chanson
Ensemble nous partirons
Sur la pointe des pieds
Mon credo
Mon credo
Je le voudais
Le plus court de tous les credos
Le plus sincère
Et le plus vrai
Mais aussi
Le plus complet
Mon credo
Je le voudrais si simple
Que rien ne pourrait
Y être jouté
Ni que nul ne pût
Non plus rien y retrancher
Mon credo
De Franc-Maçon
Et d’Unitarien
C’est une besace
Lourde seulement
De dix mots
Je crois en Dieu
Créateur du Ciel
Et de la Terre
Je n’ai pas dit Tout Puissant
Que nenni
Je ne cois qu’en un dieu
Totalement démuni
Le drapeau noir
On vient d' empaler
Sur une pointe de fer
Des fiches de papiers blancs
De papiers bleus
De papiers verts
Percées de part en part
C'est le recensement
Les unes portent des noms de princes
Bien pensants
Calotins
Cabotins
Conservateurs ultramontains
Les autres des raisons sociales
De méprisables vendeurs
De commerçants et de voleurs
Imbus d'eux-mêmes
Faux-culs mais vrais champions
De l'auto-suffisance
Adeptes de l'arrogance
Des ignorants
Les dernières
Portent les noms
De quelques grands anars
Léo Ferré
Léo Noël
Léo Campion
A leur ombre j'adresse
Ma fraternelle affection
Frères avec eux
Relevons le drapeau noir
Et buvons
A la lucidité
Tout le reste n'est que mensonge
Hypocrisie ou vanité
Hommage à André Chédel
Quand il ne me
Restera plus
Rien d'autre que
Ce drapeau noir
A brandir
J'irai sur ta
Tombe t'offrir
Une brassée
De fleurs sauvages
Avec force et vigueur
Dans le sang de la pierre
Je graverai ton nom
Et je le remplirai
Des couleurs du temps
Frère André Chédel
J'attends encore un peu
Que naissent ici et là
Dans la voûte étoilée
Des étoiles nouvelles
Tu connais mieux que moi
Le secret de la voie
Qui nous conduit à
L'Orient Eternel
Jacques Herman,
été 2007 |