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 Les chroniques



    Jacques Chopineau

 

- Un déclin annoncé

- La chute démographique

- Carences politiques

 

 

   

 


Le déclin de l’Europe ?

 

 

Un déclin annoncé

Il est connu que l’Europe vieillit. Dans le même temps, d’autres contrées voient augmenter leur population. Dans certains pays, même, une grande proportion de jeunes et d’enfants fonde l’avenir. Même des pays pauvres sont riches de leurs enfants.

Évidemment, cette richesse ne peut se faire connaître ni rapidement, ni facilement. D’ailleurs, les divers programmes de développement, ici et là, sont très loin de changer ces réalités. D’autant que ce « développement » ne doit pas être contraire aux intérêts des pays riches.

Et puis, « croissance » ne peut être appelée « développement » que si elle est équitablement répartie. Dans le cas contraire, une augmentation de croissance peut signifier une misère croissante. Nous savons que même une société riche peut connaître, dans ses banlieues, des zones de misère.

Et ne doit-on pas distinguer « misère » et « pauvreté » ? Il est vrai qu’être pauvre dans un pays riche est bien proche de la misère, mais que pauvreté dans un pays pauvre peut signifier aussi solidarité et dignité. La misère n’est pas digne, mais la pauvreté peut l’être. Comment notre monde marchand pourrait-il comprendre cela ?

De façon absurde, dans notre monde, on mesure la pauvreté en termes de « niveau de vie » -c'est-à-dire en niveau de revenus. La dignité se situe dans un autre monde… Un monde non-marchand.

Vertigineuse chute démographique 

Une société vieillissante est une société déclinante. Certes, en un moment où le chômage est menaçant, on peut penser qu’il est préférable que la population n’augmente pas. Mais c’est là une logique à courte vue. D’autant que des pays (inégalement) pauvres connaissent, dans le même temps, une forte augmentation de leur population.

Les pays du nord de la méditerranée étaient jadis plus peuplés que les pays du sud. D’ailleurs, ces pays du nord représentaient 1/8ème du monde en 1960. Ils en représenteront 1/20ème en 2025. Circonstance agravante : on compte qu’en 2050, un tiers des européens aura plus de 60 ans.

Dans le même temps, l’arc des pays musulmans –au sud de l’Europe- comptera des populations trois fois supérieures en nombre à celle des européens. D’ici à 2050, l’Union européenne devrait perdre quelques 50 millions d’habitants, pendant que les pays du pourtour méditerranéen devraient augmenter de quelques 700 millions.

Les pays européens devront donc s’adapter à une situation inverse à celle du passé. Les expansions sont derrière nous. Les pays arabo-musulmans seront –ensemble- beaucoup plus peuplés (et donc plus jeunes) que la vieille Europe.

Il serait illusoire de penser que ces faits n’auront pas des conséquences culturelles et religieuses considérables. Et si nos responsables politiques n’en parlent pas, c’est que leur horizon est borné par la date des prochaines élections. Pourquoi parler de cet avenir ? « Dans vingt ou trente ans, nous ne serons plus aux affaires. Donc, soyons réalistes et bornons-nous au futur proche ». Les problèmes sont renvoyés aux générations à venir.
D’ailleurs, ce déclin ne serait, certes pas, un argument électoral ! Deux remarques cependant :

Ce déclin annoncé ne concerne pas seulement l’Europe. L’Amérique du Nord au Sud (de l’Alaska à la Terre de feu) est moins peuplée que la moitié de la seule Chine. Un beau « choc des civilisations » en prévision…..

Outre cela, ce continent américain connaît des mutations importantes. Limitons-nous ici aux seuls Etats-Unis. Les USA ont été un continent d’émigration et d’assimilation. L’immigration continue, cependant, mais elle a largement changé de style. Et malgré les barrières frontalières, elle est inéluctable. Ce qui est nouveau, est que cette immigration ne signifie pas toujours une intégration –jadis régnante.

De fait, l’intégration connaît des difficultés de plus en plus grandes. Des dizaines de millions d’américains ne sont ni anglo-saxons, ni protestants…. Et les nouveaux venus sont –eux- prolifiques !

Des communautés ont toujours existé dans ce pays. Mais chacun désirait se fondre dans une société unitaire fondée sur une langue, une culture, un idéal… C’est de moins en moins le cas. Les groupes homogènes, fondés sur la langue (surtout l’espagnol) ou sur la religion (surtout catholique), développent leurs solidarités et leurs intérêts, sans guère de liens affectifs avec la nation et son histoire. Les communautés n’étaient pas un problème, hier ; les communautarismes en seront un, demain. L’Europe est dans un cas analogue.

Carences politiques   

Les partis politiques ne semblent pas avoir pris la mesure de la mutation en cours. Les discours électoraux sont, en général, très étrangers aux horizons futurs.Le corps électoral change, mais les élus sont accrochés à une réalité ancienne. Les thèmes habituels des majorités et des oppositions (« gauche » et « droite » de gouvernement) ne voient pas –ou préfèrent ne pas voir- les changements qui se dessinent et qui relativisent les options électorales.

Pourtant, c’est aujourd’hui que nous préparons le monde de nos descendants –lesquels, d’une part, ne ressembleront guère à nos ancêtres et, d’autre part, devront résoudre des problèmes formidables que nous leur aurons légués.

Sur des sujets divers –mais essentiels- les discours électoraux sont étonnament muets. Mentionnons, pêle-mêle, la mauvaise courbe démographique chez nous et l’explosion démographique à nos frontières, la dette formidable qui sera transmise à nos enfants et petits-enfants, l’environnement malmené, l’identité des citoyens dans les filets d’une biométrie généralisée, le fardeau des retraites qui devront être payées par des travailleurs moins nombreux…

Ajoutons l’alignement d’une Europe-OTAN impuissante à faire entendre la voix des peuples qui la composent, l’absurdité d’une Europe marchande aux frontières floues et l’absence de vision politique de beaucoup de ceux qui se réclament d’une Europe molle, mais où les affaires sont bonnes… pour ceux qui en font.

Bref, ils sont nombreux les sujets qui débordent l’horizon borné des partis. Comment s’étonner que la majorité du corps électoral s’éloigne toujours plus –malgré les orchestrations médiatiques….. L’avenir s’efface devant les préoccupations électorales proches. Evidemment, les partis préfèrent naviguer à vue. Pourraient-ils, d’ailleurs, naviguer autrement ?

Rares sont les hommes politiques qui sont aussi des hommes d’état. Un homme d’état se caractérise par sa vision de l’avenir –au-delà de la date des prochaines élections. A noter que cela suppose aussi un regard qui plonge dans l’histoire. Et cela suppose aussi un pays –réel ou à construire. Pas d’homme d’état sans état –réel ou rêvé. Faute d’état, les communautés devront prendre le relai. Et elles le prennent déjà…

L’Europe vieillissante est aussi une Europe atomisée. Les revendications ethniques, régionalistes, culturelles, religieuses… sont la source de conflits latents. Après le pays basque ou la Corse, à quand la Bavière aux bavarois, la Flandre aux flamands ou le Piémont aux piémontais ? Nous sommes au début d’un vaste processus qu’une Europe molle est bien incapable de maîtriser.

Il est clair que n’est pas cette actuelle Europe invertébrée qui changera la réalité. L’Europe des régions est un grand corps mou. Son alignement politique conditionne, d’ailleurs, ses « options » libérales (des vasseaux pourraient-ils faire un autre choix ?). D’autre part, en matière de démographie, cette Europe n’a pas de compétence.

Les communautarismes sont appelés à se développer dans cette Europe vieillissante. Ils seront mal perçus –voire combattus- mais ils seront, pour leurs adhérents, la seule « famille » dont les lois seront reconnues.
Il appartiendra, sans doute, aux « anciens » de se réclamer d’une patrie disparue. Ses symboles et son passé ; son drapeau et son histoire. Mais aussi sa constitution qui imposait à tous (riches ou pauvres) des droits et des devoirs –parfois, des sacrifices.

Au sein de notre population, quelques uns risquent (nostalgiques ou déçus) de se laisser entraîner vers des attitudes de rejet. Parfois pour de bonnes raisons, certes, mais les extrêmes droites auront alors de beaux jours devant elles. C’est, sans doute, vers cela que nous allons, mais les discours politiques ne vous le diront pas.

Jacques Chopineau, Genappe le 7 septembre 2006