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 Les chroniques



    Michel Théron

 

 

 

   

 


Une surprise ou : saint Paul et le Père Noël

 

 

Si tu es bien sage, Il viendra. Et il t’apportera beaucoup de cadeaux. Quand exactement, je ne te le dis pas. Mais sois sûre que de là-haut il te voit, te surveille. Il aime bien quand on obéit, se fâche dans le cas contraire. Tu lui as bien fait ta lettre, au moins ? C’est bien. Et quand tu dormiras, il descendra par la cheminée, remplira tes petits souliers. Le lendemain, tu auras une énorme et belle surprise. Et tu n’oublieras pas, j’espère, de le remercier...

Comme tu rêves, ma chérie ! Tu es dans les nuages. Tiens, cela doit être ça son adresse :
« Père Noël, villa Les flocons, Boulevard des nuages, Le Ciel. »

Tu ne crois pas ? Comme j’aimerais être à ta place ! À l’église où j’allais, on l’appelait : « Le bon Dieu »... Voici que je rêve aussi, et que je me sou-viens. Viens dans mes bras, qu’on se câline, et qu’on rêve ensemble. Et pense à ta surprise...

***

Quelle musique, bien assourdissante ! Mais c’est la fête tout de même, tu ne crois pas ? Tout le monde semble bien s’être donné rendez-vous au supermarché. Les rayons sont dévalisés, les jouets, la nourriture pour ce soir de réveillon... Tu penses toujours à ce que tu auras demain matin, à ton réveil, n’est-ce pas ?

Mais quel attroupement là ! Pourquoi tous ces enfants ? Ce photographe ?
Ah ! Je vois. Et tu le vois aussi, toi. Et c’est encore une surprise… Il vient avec sa houppelande rouge, sa barbe blanche, ses lunettes. Il veut te toucher, te caresser. Mais laisse-le faire, donc ! Et qu’est-ce qui te prend ?

Épouvantée, la petite fille se blottit dans les bras de sa mère. De voir la grosse figure rougeaude et la neige hirsute si près d’elle, elle s’angoisse. Beaucoup d’enfants sont comme elle, violés par cette intrusion intempestive, cette cruauté bonhomme.

Eh bien, si je m’attendais à ça ! En voilà encore une surprise ! Je ne sais plus quoi dire : tu en rêvais si fort ! Décidément, ma petite fille si songeuse me surprendra toujours.

***

Vous avez tort, Madame. Réfléchissez. On ne voit bien que ce qu’on rêve, et on est épouvanté par ce qu’on voit. Toucher ses rêves, c’est les détruire. L’attente et l’espoir nous font, la réalité nous défait. Méditez donc cette défaite, que vous venez de voir ce soir. Nos corps eux-mêmes sont en exil.
Et pour ce qui est des surprises, en voici encore une autre : ce que je vous dis aujourd’hui, un autre déjà l’a dit, vers lequel bizarrement nous mène notre histoire. C’est saint Paul : Ce que l’on voit, peut-on l’espérer encore ? Car nous marchons selon la foi, et non selon la vue.

Michel Théron, le 15 novembre 2005

Romains 8/24 Car c’est en espérance que nous avons été sauvés. Or, l’espérance qu’on voit n’est plus espérance : ce qu’on voit, peut-on l’espérer encore ?
2 Corinthiens 5/6-7 Nous sommes donc toujours pleins de confiance, et nous savons qu’en demeu-rant dans ce corps nous demeurons loin du Seigneur, car nous marchons par la foi et non par la vue ...