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 Les chroniques



    Béatrice Spranghers

 

 

 

   

 


Nos petites lâchetés

 

 

« Ein Reich, ein Volk, ein Fürher ! »
Ces paroles hurlées dans un stade comble, acclamées par la foule envoûtée, résonnent à jamais dans les mémoires. Notre vigilance doit tenir compte des dérives de notre histoire : la soumission à la pensée unique, c'est le cimetière de la pensée humaniste.

Le démocrate affiche sa tolérance, cette belle vertu dont Emile Boutroux dit qu'elle est la "reconnaissance de la valeur qui appartient à la personnalité d'autrui, en cela même par où elle diffère de la nôtre".

Voilà qui est louable et c'est justement cette reconnaissance de la valeur de la diversité, de l'altérité, que nous avons à préserver par le refus du discours réducteur de ceux qui prétendent instaurer la paix et l'harmonie en alignant tout le monde sous la même bannière.

Il est vrai que l'actuel manque de répères dans notre société induit la tentation totalitaire, perçue comme un refuge sécurisant. C'est perdre de vue le fait que cette uniformisation voulue par l'extrême-droite suspend les libertés individuelles et collectives inscrites dans nos démocraties. Et cela, nous ne pouvons le tolérer.

Il est des catastrophes prévisibles et évitables. La démocratie est fragile, jamais acquise définitivement. Elle est comme un temple de pur cristal qu'un tsunami idélogique peut irrémédiablement saccager.

Notre tolérance s'arrête au seuil de la menace à l'égard des libertés démocratiques; c'est la passivité à l'égard de l'intolérable qui fait le lit des dictatures. "On aurait pu dire non", écrit Franck Pavlov dans Matin brun, où il décrit la lente et sournoise montée de la peste brune. "On aurait pu dire non. Résister davantage, mais comment ? Ça va si vite, il y a le boulot, les soucis de tous les jours. Les autres qui baissent les bras pour être un peu tranquilles, non ?"

Sait-on assez où risquent de nous mener collectivement les petites lâchetés de chacun d'entre nous ?

Béatrice Spranghers, le 1er mai 2005