Les chroniques    13|12|2003

El pecado de ser Escobar  Imprimer


Il a eu tort de s'appeler par son nom !

Imaginez, vous vaquez tranquillement à vos petites affaires. Mais vous vous appelez Sylvio Berlusconi. Et voilà qu'on vous arrête et qu'on vous extrade au Canada, avec l'accord la Justice de votre pays pour motif d'association de malfaiteurs.

Après deux années passées dans les charmantes geôles canadiennes "on" découvre que vous n'êtes pas le "bon" Berlusconi. Vous êtes jeté, sans trompettes ni flonflons, avec un billet de 20 dollars en poche, dans le premier avion en partance pour votre pays. Un peu comme Semira Adamu…, y a pas à discuter !

Vous imaginez ? Non évidemment. Vous auriez hurlé votre innocence, vous auriez demandé aux flics de mettre leurs lorgnons : vous n'avez manifestement pas la bouille et la superbe gominée de l'autre Sylvio !

Et bien, Felipe Escobar Burgos, un architecte colombien de 60 ans, a vécu - lui - cette tragique aventure et il n'est pas près de l'oublier. Ce Monsieur bien tranquille a été arrêté en mai 2001 et vient d'être libéré. Deux ans de prison qu'il a passé, dans son pays d'abord, puis extradé au Canada avec l'accord de la Cour suprême de Colombie et de l'ancien Président de la République. Motif : il aurait été "The boss", celui du trafic de cocaïne colombien, le parrain du cartel de Medellin, ce brave homme protégé pendant si longtemps, puis lâché comme une vieille chaussette par la CIA !

Voilà notre architecte de retour chez lui, son épouse atteinte du cancer, sans un sou. Le 30 juin 2003, la "justice" de son pays le réhabilite et le renvoie chez lui. Allez! Allez! circulez, y a rien à voir… Et vous pensez que les gouvernements colombiens et canadiens se sont excusés ? Qu'il a été dédommagé ? Que sa dignité a été rétablie par cette même presse qui l'avait jeté en pâture à la Une de leurs pages à scandales ? Rien !

Ce n'est qu'aujourdui que l'hebdomadaire Cambio de Bogotá lui rend sa dignité. Sans doute que vos bougies d'Amnesty de mercredi dernier ont aussi éclairé l'un de ses journalistes.

« C'est une futilité qui a cours sur la terre : il y a des justes dont le sort conviendrait à l'œuvre des méchants, et des méchants dont le sort conviendrait à l'œuvre des justes. Je dis que c'est encore là une futilité.» Qohélet 8; 14

Pierre Bailleux, le 13 décembre 2003