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 Les chroniques



    Jacques Chopineau

 

1- L’Europe invertébrée
2- La triple réforme
3- Vers l’avenir

 

   

 


La grande mutation

 

 

1- L’Europe invertébrée

La réforme religieuse qui est en cours - mais nous n’en sommes qu’au début - est une mutation formidable. Le contexte culturel est celui de la constitution lente, très lente, d’une Europe enfin débarrassée des antagonismes nationaux. Ce n’est pas le plus fort qui fera la loi. Le plus riche, peut-être, pour un temps, mais non le plus fort.

C’est aussi le cas des religions institutionnelles et dogmatiques : aucune ne pourra prétendre détenir seule la totalité de la vérité. Les différences (autrefois, et pendant des siècles, des « divisions) n’ont pas à être abolies : elles doivent être respectées.

Fini le temps où un certain « œcuménisme » pensait abolir les différences. Comme si, un jour, tous les chrétiens devaient former un seul troupeau, marchant derrière un seul drapeau. De fait, ce qui est commun à tous les chrétiens n’a pas à s’exprimer dans une seule organisation.

Les polémiques ou rivalités sont aujourd’hui hors de saison. Certes, les affrontements jalonnent notre passé. Mais l’essentiel n’est pas de savoir d’où nous venons, mais où nous allons…

Mondes politiques et mondes religieux… Le parallèle est souvent peu perçu. Il est cependant frappant. Réflexes nationaux et croyances religieuses vont souvent de pair. Parfois même jusqu’à la caricature, comme dans le cas d’un certain « protestantisme » américain en lutte contre « le mal », lequel s’oppose aux conceptions et aux intérêts américains. Voilà ce qu’un européen d’aujourd’hui comprend difficilement. Il faut remonter à l’Europe classique et - par exemple - au « saint empire » romain germanique pour trouver une semblable confusion.

Les différences étaient autrefois des divisions à combattre par la guerre. Ce n’est heureusement plus le cas en Europe où cependant les mondes « religieux » gardent le souvenir des anciennes divisions –lesquelles paraîtront étonnantes aux hommes de demain.

Bien que ce ne soit pas ici le sujet principal, deux mots sur cette Europe actuelle sont nécessaires. Cette « Europe » est-elle une Europe européenne et démocratique ? On n’en prend sans doute pas le chemin. Ce ne sont pas ici les propos d’un « eurosceptique », mais d’un européen qui se prend à rêver d’une autre Europe qui fasse droit aux peuples.

Jadis, les personnes humaines étaient des sujets d’un monarque (au temps de la monarchie dite « absolue »), ou bien devaient travailler pour le service de l’état (dictatures…). Ils sont aujourd’hui des citoyens (c’est –en principe- le cas de toutes les démocraties). La perspective est claire. Mais est-elle juste, en l’espèce ?

Peut-on parler de « citoyens » sans constitution ? Seule une constitution choisie peut faire que tous se sentent citoyens. Si l’on juge bon de ne pas consulter les peuples, qu’au moins les représentants élus de ces peuples élaborent une telle loi générale. On peut penser que les tentatives présentes n’aboutiront à rien de durable sans un assentiment populaire.

Il faut encore connaître les limites du territoire où cette loi générale sera reconnue, appliquée, éventuellement défendue, par les citoyens. On est loin de cela. Même si un embryon de défense européenne (mais sans quartier-général !) se met difficilement en place.

Cette « Europe » invertébrée va-t-elle inclure la Turquie d’Asie mineure ? Dans ce cas : pourquoi pas telle république du Caucase si elle venait à en faire la demande ! D’ailleurs, l’Afrique du nord aurait bien autant de titres à faire valoir que l’Asie mineure (proximité géographique, histoire culturelle, liens démographiques etc.).

Et cette Europe doit-t-elle inclure Israël comme certains le prônent ? Et dans ce cas : refuserait-elle le Liban ? La Palestine ? Ou peut-être ira-t-elle jusqu’aux rives de l’océan pacifique (Vladivostok) en incluant la Russie ?

Mais la Turquie fait partie de l’OTAN. Peut importe apparemment qu’elle ne soit européenne ni par la géographie, ni par la culture : elle est membre de cette grande coalition placée sous commandement suprême non-européen. Il faudrait donc que cette nation (bientôt plus peuplée que les états européens) fasse partie d’une Europe durablement invertébrée. Si cela arrive : on peut prévoir des difficultés.

Et, cas sans doute unique dans l’histoire, cette Europe a un parlement, mais pas de gouvernement (élu). Comme les protectorats, elle n’a d’ailleurs pas de défense et, par conséquent, pas de diplomatie. Il est difficile de se sentir citoyen d’un protectorat.

Par contre, la loi du profit est régnante. Sous le nom d’Europe, un vaste marché voué au libre-échange et à la loi du profit, se met en place -sans l’assentiment des peuples. De là, la tentation, pour l’empire américain, de jouer la division de ce grand ensemble sans cohésion politique. Et cette Europe sous haute surveillance se donnerait pour capitale, la capitale de l’OTAN !

Il serait surprenant que - au-delà des intentions affirmées et de nobles affirmations - ces « européens » se mettent aujourd’hui tous d’accord sur un autre sujet que sur celui du profit. Sans doute, cela n’aura qu’un temps, mais le temps ne favorise habituellement pas les moutons –même bien nourris. Et puis, ce sont les rêves qui nous mettent en marche. Quelle Europe te fait rêver, citoyen ?

Présentement, cette Europe est une sorte de grand marché, aux frontières floues (et loin d’être fixées), dont la « liberté » est d’abord celle des capitaux. A coup de délocalisations, privatisations, dérégulations, rationalisations, restructurations… (le vocabulaire des commis -pardon : des hauts fonctionnaires- est riche) et tout cela se fait sans consultation des peuples. L’Europe que l’on met sur les rails n’est pas une structure populaire. Comment d’ailleurs le serait-elle ? Sans consultation démocratique…..

Plus de 400 millions de « citoyens » sont, pour l’heure, 400 millions de consommateurs. Dis-moi combien tu gagnes et je te dirai ce que tu es. Est-ce l’Europe de l’argent ? Mais l’argent n’est pas une patrie. Si je n’ai pas d’argent : je n’ai pas de patrie !

Quelques uns diront : il n’était pas possible de faire autrement. Nous n’en sommes qu’au début. Fort bien. Mais est-ce là la ligne de l’horizon ? Est-ce là, ce vers quoi nous voulons marcher ? Une Europe des peuples européens n’est certes pas faite, mais la question est : quel chemin prenons-nous pour y arriver ?

Laissons cette « Europe » à ses fantasmes : des réactions populaires sont à venir. Pour l’heure, les marchands ont la partie belle. Les parallèles avec « nos » religions sont cependant notables. Il serait illusoire de penser qu’il n’y a pas de relation - pour le meilleur comme pour le pire - entre un état de société et le statut de sa religion.

Les anciennes nations se délitent et, en même temps, les anciens citoyens se détournent d’un jeu politique dont ils ne se sentent pas acteurs. Malgré les affirmations des professionnels, les taux d’abstention aux élections sont une sanction normale. Dans le même temps, les églises se vident, lors même que certaines proclament –vieux réflexe- leur accès à la plénitude de la vérité.

2- La triple réforme  

Les rapides propos qui précèdent ne visent qu’à rappeler un point de comparaison avec la situation de groupes religieux jadis prospères. Les seuls qui fassent encore « le plein » sont d’ailleurs quelques groupes hyper-conservateurs qui, comme certains groupes nationalistes, rassemblent quelques convaincus ou nostalgiques.

Mais ces « différences » qui ont été jadis senties comme des « divisions » (la soi-disant « scandaleuse division des chrétiens ») sont encore une nostalgie du passé. Voici venir le temps où les différences n’auront plus à être supprimées, mais à être respectées. Tout comme les anciennes nations n’ont pas à être effacées, mais considérées pour ce qu’elles sont : des corps vivants au sein d’un grand corps vivant. Faudrait-il couper les membres pour que le corps vive ?

La nouvelle réforme met en place, peu à peu, ce qu’on peut appeler une nouvelle religion. Comme toute révolution, elle ouvre la porte à une nouvelle société. Non pas que tel élément soit simplement remplacé par tel autre : c’est le système global qui est appelé à changer. En sorte que tout élément (même ancien) reçoit, dans le nouveau système, une signification nouvelle.

Un raz de marée est devant nous. Un raz de marée qui sera précédé de diverses pluies, de plusieurs orages, de quelques marées porteuses de détritus du passé. Autant de problèmes spécifiques - éventuellement très localisés - que quelques uns tenteront de régler au coup par coup, comme on l’a fait (ou tenté de le faire) par le passé. Même la culture a ses technocrates.

D’un point de vue religieux, la réforme à venir comporte trois aspects :

- Réforme intérieure au christianisme

Il faut en finir avec un certain « œcuménisme » de rassemblement. Les diverses traditions religieuses ne seront pas effacées. Respectons les différences ! Orthodoxes, catholiques romains, protestants luthériens, calvinistes et autres… ne vont pas disparaître et se fondre dans un christianisme unique.

L’œcuménisme se situe à un autre niveau : au plan des personnes, non au plan des institutions ou des dogmes. Il faut, certes, tenir compte du passé. Mais il faut alors tenir compte de tout le passé (intolérances comprises).

- Ouverture du panorama religieux

Nous avons besoin d’un oecuménisme à la mesure de notre terre. La terre habitée (tel est le sens de oikoumene) ne se limite plus au monde méditerranéen, antique berceau du christianisme.

En outre, une société multiculturelle comme la nôtre est ouverte à des traditions auxquelles elle n’a pas donné naissance. Les religions (Judaïsme, la plus ancienne ; Islam : la deuxième religion de nos pays ; autres… ) sont aussi des manières différentes d’approcher le même essentiel, non par une sorte de syncrétisme réducteur, mais dans le respect de toutes les différences.

- Unir tous les hommes de bonne volonté

Cette union est nécessaire. Quelle que soit la tradition de référence. Tradition religieuse ou non. Et le rationalisme aussi fait partie de l’histoire de notre occident. Ceux qui se disent agnostiques ou athées sont-ils moins des hommes de bonne volonté ?

Les voies (les oreilles) humaines sont tendues vers ce grand large du rassemblement de tous… Car la religion n’est pas essentiellement une position philosophico-dogmatique, ni une forme de conformisme à un langage localement traditionnel. C’est une pratique qui sous-tend une recherche partagée.

Ces trois axes sont les trois volets de la réforme qui est en cours. Il importe d’en prendre conscience.

Mais, d’autre part, les chrétiens doivent se poser la question : qu’en est-il de la religion chrétienne aujourd’hui ? Ou du moins : que voit-on lorsque l’on considère les pratiques dites chrétiennes de l’occident ?

Apparemment, les chrétiens seraient « divisés » en plusieurs branches -dont chacune prétend d’ailleurs détenir la vérité. En fait, on tente parfois de les rassembler autour de formulations dogmatiques qu’ils ne comprennent plus (lire Pour une nouvelle réforme). Même des pratiques répandues sont maintenues pour d’autres raisons que celle de leur origine.

L’actuelle célébration de la fête de Noël illustre ce paradoxe : la fête de la naissance d’un enfant dans une étable (non dans un palais) est l’occasion de la plus grande consommation dans les pays riches. « Noël, Noël est venu : nous ferons grande ripaille », chantait-on, jadis, dans la région de Bourg-en-Bresse. Les ripailles ont fait leur chemin. De toute l’année dite « chrétienne », Noël est la plus grande fête de la consommation et, donc, la fête des marchands.

Certes, les réjouissances familiales sont ici le trait central. C’est même le seul aspect (d’ailleurs positif) que beaucoup connaissent. Pour ceux du moins à qui la porte de la grande consommation n’est pas fermée.

Mais il convient de rappeler que, même chez nous, la porte de la consommation n’est pas ouverte pour tous. Notre Europe compte des millions de chômeurs - ce qui fait beaucoup d’enfants de chômeurs, de conjoints de chômeurs, de parents de chômeurs. Beaucoup de monde…

Sans parler de nombreuses contrées de notre terre dans lesquelles une fête religieuse n’implique pas une grande consommation. Et quel sera le Noël des enfants palestiniens ? Et des nombreuses populations pauvres de notre monde ?

Rien n’est plus conforme à l’esprit du christianisme que de se poser de telles questions. A Noël est célébrée la naissance d’un enfant dans une étable. C’est ainsi que la renaissance de la lumière s’inscrit dans la tradition religieuse de l’occident.

Nombreux sont ceux qui gardent cette image de l’humble crèche. Comme ce prêtre cubain qui me disait, autrefois, avant mon départ pour l’Europe : Tu leur diras : ici, nous avons peu, mais nous avons l’essentiel… Ici, c’est la crèche !

Et comment ne pas rappeler les paroles de cette chanson –connue dans tout le monde arabe (Madînatu s-salât)- chantée par la chrétienne Fairouz :
L’enfant dans la grotte
Et sa mère Maryam
Leurs deux visages pleurent

Nous voici loin de la grande fête de la consommation. Mais l’image demeure, comme aussi cet indéracinable espoir lié à la renaissance symbolique de la lumière. Une lumière que tout humain,croyant ou non, porte en soi.

3- Vers l’avenir  

En ce qui concerne la religion, nous venons de loin. Un rapide coup d’œil sur le passé récent est édifiant.

Mon grand-père (homme intègre et juste) était violemment anti-religieux. Il avait été jeune lors de la séparation (en France) de l’église et de l’état (1905). Pour moi, gamin, c’était de l’histoire ancienne. Pour lui, c’était un progrès du peuple en lutte pour son émancipation de l’oppression religieuse et des ténèbres des superstitions.

Comme beaucoup d’hommes de son temps, il mettait d’un côté les religions et les superstitions et, de l’autre la science et le progrès. Cette dichotomie peut nous paraître datée. Elle a été le cas de beaucoup d’hommes de cette époque. Localement, elle est même encore d’actualité.

Aujourd’hui, les polémiques se sont largement éteintes : l’opposition ayant été remplacée par l’indifférence. Telle église peut bien, localement, revendiquer une place ancienne, il n’empêche que les églises se vident et que la moyenne d’âge des fidèles augmente. Et nous ne sommes qu’au début d’un lent processus commencé à l’époque des Lumières.

En même temps, l’ignorance en matière de religion est aujourd’hui colossale. Au point que des esprits éclairés tentent de rétablir un enseignement des religions -d’un point de vue culturel. Il est vrai que philosophie, histoire de l’art, histoire des institutions… par exemple, ne peuvent ignorer ce vaste domaine des religions institutionnelles. Cette tentative est donc bien justifiée. Ce n’est évidemment pas le propos ici.

Quoiqu’il en soi, le rejet d’une religion identifiée à une confession n’est un drame que pour les tenants de cette confession (qu’ils voudraient, éventuellement, dominante). Mais la fin des dogmes et des institutions religieuses ne signifie pas la fin du religieux. C’est le contraire qui est vrai. La multiplication de nouveaux mouvements religieux est l’indice d’une attente et d’une recherche. Nommer « secte » tout ce qui est nouveau serait absurde. Evidemment, un danger « sectaire » peut toujours exister, mais vigilance n’est pas refus de comprendre.

Il n’est guère besoin d’insister sur une nécessaire séparation des croyances religieuses et de l’état. Une laïcité, de fait ou de droit, est inscrite dans les pensées de la majorité des européens. L’idée d’inclure dans un texte constitutionnel une référence à une quelconque transcendance serait une erreur. Le religieux ne relève pas domaine du civil, même si, localement, telle religion institutionnelle joue (ou joua) un rôle important.

La grande communauté européenne peut porter en son sein plusieurs communautés ethniques ou religieuses. Encore faut-il que cette grande communauté existe ! Pour cela, il faut que cette communauté fonctionne comme une grande patrie, une grande famille au sein de laquelle les divers groupes se sentent libres d’être ce qu’ils sont.

De fait, jadis, l’Europe a connu tous les cas de figure. Son présent en témoigne encore. Nous y trouvons une séparation nette de l’état et du religieux, ou bien un concordat (diverses formules), ou bien une religion nationale (inscrite dans la constitution ou dans les usages en vigueur). Il arrive d’ailleurs qu’un même état connaisse deux régimes différents qui cohabitent sans heurts.

Ainsi, en France où une séparation claire existe, l’Alsace a conservé (pour des raisons historiques l’Alsace étant allemande en 1905) un régime de concordat. C’est pour cela que l’université française et laïque, conserve une université (Strasbourg) avec ses facultés de théologie (catholique et protestante) intégrées à l’université des sciences humaines.

Ce fut certainement la sagesse des responsables de l’époque de ne pas changer les usages locaux lorsque l’Alsace est redevenue française. Avec le recul du temps, cela ne gêne aujourd’hui presque personne. En démocratie, chacun est libre d’être ce qu’il est, là où il est.

Par parenthèse, n’est-ce pas en ce lieu (Strasbourg) qu’il conviendrait d’implanter une faculté de théologie musulmane ? Les millions de nos concitoyens de religion musulmane pourraient ainsi être instruits par des enseignants formés aux disciplines universitaires. Les intellectuels musulmans ne manquent pas. Encore faut-il leur faire une place…..

L’alternative est que l’Islam ne soit objet d’études qu’en dehors de nos universités. Ou bien que seules soient possibles, des études historico-critiques qui, hors de toute sensibilité religieuse, analyseraient savamment un phénomène extérieur. Il est douteux que de telles études puissent rencontrer les besoins de croyants. Faudra-t-il attendre que naissent des facultés musulmanes libres ?

Les pesanteurs, les rigidités, les réflexes courants de notre système d’enseignement n’expliquent pas tout. L’information de nos concitoyens est déficiente. L’amalgame Islam-islamisme doit être dénoncé. Il est vrai que cet amalgame peut paraître commode à quelques uns.

L’Islam montre le chemin de la paix, non d’un terrorisme aveugle. Tout comme, jadis, l’inquisition n’était pas le christianisme ! L’Islam est une religion de rectitude et d’amour. Mais les siècles passés ont –ici encore- laissé des traces.

Il est évident que le délitement des patries va engendrer un développement des réactions communautaires. Pourquoi ? C’est que tout homme fait partie d’une « famille » qui le reconnaît pour ce qu’il est. Une famille nationale pouvait fournir le cadre à des communautés différentes. La fin de cette grande famille verra aussi la montée de revendications régionales, ethniques, linguistiques, religieuses, etc.

Nous avons de cela quelques exemples qui ne peuvent être étudiés ici. Mais la comparaison avec les Etats-Unis n’est pas pertinente : les communautés nombreuses y sont encadrées par un patriotisme général. À quelque communauté qu’ils appartiennent, tous se veulent citoyens d’une même entité nationale. Le drapeau (partout présent) y est un symbole reconnu et vénéré ! On voit même des européens (surtout jeunes) qui ignorent, en principe, les drapeaux, mais arborent sur leur poitrine le drapeau américain !

La seule réponse serait la constitution d’une véritable patrie européenne. Comme il a été rappelé plus haut, nous en sommes loin. On verra donc se constituer des « familles » plus restreintes, sur des bases communautaires « religieuses » ou régionales. Voire même des bandes ou des maffias.

C’est clair : l’avenir de notre Europe suppose la tolérance et le respect des diversités. Non par une sorte de consensus mou, mais par une tolérance dynamique, celle qui est fondée sur la compréhension et l’estime réciproques. Refusons donc cette sorte de privatisation de l’imaginaire, par laquelle les religions seraient écartées de la rationalité « normale » -laquelle serait, en fait, fondée sur le profit. Et que vivent les différences. Il serait autrement impossible de parler d’intégration. On ne peut sérieusement prétendre « intégrer » en effaçant d’abord les différences.

Notre Europe est celle des communautés différentes qui se respectent, sans se confondre ni s’ignorer. De même que des peuples différents - qui, jadis s’affrontèrent - décident de vivre ensemble. Si cette Europe « européenne », pour une raison ou une autre, ne parvenait pas à exister, alors seulement les communautarismes pourraient constituer un péril.

On peut, on doit, ainsi lier - non par un lien de causalité directe, mais par une large osmose - la situation de l’Europe et le statut des religions qui y sont pratiquées.

Jacques Chopineau, Genappe le 6 décembre 2003