-->

                                        Bible et Liberté  

Lire la Bible - 18. Sous le figuier Imprimer


Jacques Chopineau

L’ancienne littérature juive traditionnelle s’est souvent préoccupée de dire à quoi l’Écriture était semblable. La «méthode» ici ne consiste pas à définir (ceci est cela...) mais à enseigner par le biais de la parabole (ceci est comme cela). L’Écriture est ainsi tour à tour comparée à l’eau qui descend toujours dans les endroits les plus bas (là où le lecteur humble peut la recevoir) ou à au feu qui se communique à tous ceux qui sont autour de lui. L’apparente naïveté de ces paraboles n’est que le vêtement simple d’une profonde intelligence.

Nous avons vu la comparaison de la pluie qui est une, et qui produit des fruits différents selon les arbres sur lesquels elle tombe. Une autre comparaison utilise l’image du figuier : pourquoi l’Écriture est-elle comparée à un figuier ? C’est que tous les arbres fruitiers produisent leur fruit en leur temps et seulement en leur temps. Le figuier, par contre, donne son fruit mûr à celui qui le cueille d’aventure, au passant qui se donne la peine de le chercher et de le cueillir au moment où la figue est mûre. De même, l’Écriture donne toujours du sens celui qui l’étudie. Aux uns tel jour, aux autres tel autre jour. Et celui qui revient à elle, des mois ou des années plus tard, trouvera encore le fruit cherché. Et ce qui n’est pas trouvé en une heure sera trouvé en un jour, et ce qui n’est pas trouvé en un jour sera trouvé en un an. Et si, au long de la vie, toutes les années sont différentes, les lectures le seront aussi.

D’autre part, l’ombre du figuier aux larges feuilles est propice au repos et à l’étude, pendant la chaleur du jour. Dans la tradition ancienne, le figuier n’est pas un lieu quelconque: c’est le lieu de l’étude des textes sacrés. De là, cette parole de Jésus à Nathanaël: «alors que tu étais sous le figuier, je t’ai vu». (1)

Mais la lecture de la Bible ne saurait avoir le même sens si elle est faite de manière proprement individuelle ou bien si elle est vécue dans la perspective d’une communauté vivante. C’est ainsi d’ailleurs que les textes bibliques ont été rédigés et transmis: dans la perspective de la communauté d’Israël. Il n’est pas un seul texte de la Bible hébraïque et juive qui ne soit écrit dans la perspective d’une communauté certaine de son avenir en tant que communauté. De même, il n’existe pas un seul livre du Nouveau Testament qui ne suppose la Bible hébraïque et juive. De sorte que lorsque Jésus dit: “vous sondez les Écritures...» (2), c’est à ces Écritures exclusivement qu’il se réfère.

Et c’est l’ouverture des mêmes Écritures qui suscite l’exclamation du disciple d’Emmaüs : «Notre coeur ne brûlait-il pas en nous tandis qu’il nous parlait en chemin et qu’il nous ouvrait les Écritures?» (3).

Jacques Chopineau, Lire la Bible, Ed. de l'Alliance, Lillois, 1993, p.50-51

(1) Jean 1/48
(2)
(3)