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 Bible et liberté



    Jacques Chopineau

 

- Une sortie d’Egypte

- Loi ou « thora »

- Une loi de liberté

 

 

   

 


Exode et liberté

 

 

Une sortie d’Egypte

Sur ce texte biblique –« les dix paroles »- bien des commentaires ont été écrits. Il ne s’agit ici que d’indiquer un point de vue sur un aspect souvent passé sous silence : le lien intime entre loi et liberté.
Le début du texte des dix commandements est :

« Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, de la maison de servitude… » Exode 20,2 (Deutéronome 5,6)

Le texte est bien connu, mais on oublie souvent que le premier mot est une parole de libération. L’Egypte est ici le nom de la servitude (cf. Exode 1). En effet, seuls des êtres libres peuvent accepter une loi. Des esclaves ne le peuvent pas.

Les esclaves ne peuvent que subir une loi imposée par une puissance ennemie. Par contre, un peuple est constitué par une loi commune à tous. Pas de Loi véritable sans une sortie préalable de l’esclavage.

L’alternative est celle-ci : ou bien être esclave seul (chacun pour soi), ou bien être un membre du peuple qu’une même loi (« thora ») constitue. Pas de peuple, ni de clan, ni de tribu, ni même de famille, sans une loi commune. Tout groupe humain est ainsi constitué.

D’ailleurs, même une meute de loups obéit à sa loi. Supprimer la loi, serait défaire la meute. Par contre, pour un chien domestique, la loi du maître est sa loi -comme pour l’esclave. Mais, dans une société humaine, la loi commune est ce lien qui unit tous les membres du groupe –quel qu’en soit le mode de constitution.

Ainsi, le don de la Loi suppose la sortie de l’esclavage. Cette sortie prendra historiquement les allures d’une révolution –religieuse, en l’occurrence. Mais on sait que toute révolution implique l’instauration d’une loi nouvelle. Il n’est pas de révolution faite dans l’observance d’une loi ancienne. Une révolution ne respecte pas les lois : elle les change ! Ainsi est la nouvelle Loi du peuple qui marche à la suite de Moïse.

Loi ou Thora  

Le mot hébreu « thora » est habituellement traduit par « Loi ». Mais cette traduction nous égare en ce qu’elle met l’accent sur le seul aspect juridique et contraignant de cette « thora ». Bien sûr, cet aspect existe, mais il est loin d’être le seul. Il convient de le rappeler.

La « thora » est un enseignement au sujet de ce qui est vrai, juste, bon. Dans une situation concrète : une réponse est donnée à la mesure de la question. Et dans tous les cas, la finalité est la vie.

«choisis la vie, afin que tu vives » Deutéronome 30,19

Ainsi, le fruit de la justice est la vie. Ce qui ne se réduit pas à une conformité réglementaire ! En même temps, cette loi est un repère, non un absolu. La Loi est l’indice d’un bien plus grand, non une norme intangible. Il y a là un vieux débat : « Est-il permis de faire une guérison le jour du sabbat ? » (Matthieu 12,10). Le respect de la loi n’est pas un formalisme aveugle. On l’a toujours su.

« Je mettrai ma loi au-dedans d’eux, je l’écrirai sur leur cœur»
Jérémie 31,33
« Ta loi est au fond de mes entrailles » Psaume 40,9

Voilà bien une loi parfois non écrite dans les textes, mais écrite au plus intime de la personne. Il appartient à cette personne de retrouver en elle-même cette loi en consonance avec la réalité –ce qui n’est pas toujours une tâche facile.

Une loi de liberté  

« parlez et agissez comme des gens qui vont être jugés d’après une loi de liberté » Jacques 8,12

Loi… liberté ! Les termes peuvent paraître antagonistes. Pourtant, la loi est aussi créatrice de liberté. Que serait –par exemple- la liberté de la route, si aucune loi n’imposait la conduite à droite ! Et là où la loi impose la conduite à gauche, il importe que tous se conforment à la loi du pays. Grâce à cette loi, chacun est libre de circuler là où bon lui semble. Mais sans cette loi, toute circulation serait immédiatement dangereuse ! De là, un « code » qui est à la fois une contrainte et une liberté.

Il en est ainsi dans tous les pays. Rappelons le dit talmudique : « La loi du pays, c’est la loi » (dînâ de-malkhûtâ dînâ, disait-on en araméen).

Et qu’en est-il d’une loi « religieuse » comme doit être qualifiée la « thora » ? Cette « thora » est jugement (dîn signifie « jugement » en hébreu, « loi » en araméen, « religion » en arabe).

C’est une loi comparable aux lois non écrites revendiquées par Antigone, ou par les juges du procès de Nurnberg. Elle est proche de cette loi « inscrite dans les cœurs, dont parlait le prophète Jérémie.

Dans la perspective traditionnelle, celui qui donne la loi est Dieu. L’auteur n’est donc pas, ici, la majorité d’un parlement élu. Les majorités, d’ailleurs, sont provisoires et le « bien » qu’elles définissent est une réalité toujours visée, certes, mais non toujours atteinte. Regarde en toi-même, O citoyen !

Jacques Chopineau, Genappe le 3 juillet 2007